Pour un propriétaire d’automobile, l’annonce du passage au marbre est un sujet d’angoisse motivée par la perspective d’effets néfastes à court, moyen et long terme. Ce sentiment s’explique facilement, car cet examen, approfondi, de la géométrie de la coque du véhicule est potentiellement synonyme d’immobilisation du véhicule pour une durée quelquefois longue. De plus, le passage au marbre n’est envisagé qu’en cas de dégâts très importants, donc coûteux à remettre en état. Puis, enfin, même correctement réparé, le véhicule sera plus difficile à revendre et subira systématiquement une décote plus ou moins prononcée. Si vous lisez ces lignes après une telle annonce, ne cédez pourtant pas à la déprime, car tous les professionnels sérieux vous le diront, il ne s’agit, le plus souvent, que d’un banal contrôle, destiné à assurer, définitivement, votre sécurité future, celle de vos passagers et des autres usagers de la route.
Qui décide de l’utilité d’un passage au marbre ?
Si vous êtes assuré, le passage sur le marbre n’est pas une décision de votre ressort ! C’est à l’expert missionné par votre compagnie d’assurance qu’il revient de déterminer si l’état et la cote du véhicule, autorisent de poursuivre le processus de réparation. Dans la pratique, l’expert prendra sa décision après consultation du carrossier et du mécanicien, chargés des travaux. Dans le pire des scénarios, si le coût des réparations dépasse la valeur vénale, le véhicule est automatiquement classé en « épave« . Dans ce cas, vous êtes défrayé de la valeur du véhicule, « à dire d’expert ». Cela n’implique pas, fatalement, que la voiture n’est pas réparable, mais qu’elle est déclarée non roulante auprès de la préfecture de police départementale. Si vous tenez à la voir reprendre la route, vous devrez donc obligatoirement suivre la procédure administrative suivante :
- racheter l’épave ;
- financer de vos deniers le surcoût des réparations
- suivre la procédure, compliquée, de réception à titre isolé indispensable à la récupération du certificat d’immatriculation (carte grise).
Autre cas de figure, l’expert décide avant de prendre une décision, de passer la voiture sur le marbre, pour lever les doutes éventuels sur la faisabilité technique et/ou pour établir un devis financier précis et circonstancié de la réparation. Il s’agit, alors, d’une simple opération diagnostique mettant en œuvre des moyens moins onéreux. On peut donc affirmer que plusieurs méthodes de passage au marbre, utilisant des techniques et des matériels différents coexistent.
Quand doit-on envisager de passer sa voiture au marbre ?
Autrefois, tous les éléments mécaniques et de sécurité étaient fixés sur un châssis. Un choc, même violent déformant la carrosserie, ne nuisait pas à la stabilité de route du véhicule. Seule une déformation du châssis lui-même, pouvait créer des désordres. Aujourd’hui, à l’exception de quelques véhicules particuliers (4×4, Utilitaires, camions…), les châssis ont disparu au bénéfice de « caisses autoporteuses ». Techniquement, cela signifie que le châssis est embouti ou soudé avec la coque du véhicule, formant un ensemble monobloc. Les seuls éléments pouvant faire penser à un reste de châssis sont les longerons avant, rapportés et soudés sur la coque. La coque autoporteuse est conçue et calculée pour résister sans dommage, tout au long de la vie du véhicule, aux vibrations et aux contraintes induites par les conditions normales de fonctionnement, telles que :
- flexions et torsions provoquées par les éléments de propulsion (ensemble boîte/moteur) et les systèmes porteurs, de confort et de sécurité (amortisseurs, triangles de roues, direction…) ;
- les chocs émanant des irrégularités de la route (déformations du bitume, dos d’âne, nids de poules…) ;
- la charge embarquée (réservoirs, sièges passagers, bagages…) ;
- les incidents légers (accrochages, butées contre les trottoirs…).
La caisse est également étudiée pour se déformer de façon contrôlée, afin d’amortir la conséquence, pour les occupants de l’habitacle, des chocs accidentels plus violents. Dans ces conditions, la déformation d’un endroit quelconque de la coque, par application d’une force exceptionnelle, peut entraîner un changement, dans l’espace, de la position des points stratégiques de la coque (fixations des roues, du berceau-moteur, des organes de direction…). Quelques millimètres suffisent pour rompre l’équilibre de la géométrie du véhicule et perturber son comportement routier au point de le rendre instable et dangereux.
Le rôle du passage au marbre consiste à vérifier le parfait alignement des points stratégiques, selon le schéma défini par le constructeur, la surface de référence étant le plan horizontal du marbre. On doit donc passer sa voiture au marbre, chaque fois qu’un évènement exceptionnel (généralement un choc) est susceptible d’avoir modifié la position, par rapport à la référence connue, d’un ou plusieurs points stratégiques.
Comment se passe le passage au marbre ?
Physiquement, le marbre est composé d’une surface rigide rectifiée, parfaitement plane au-dessus de laquelle est solidement arrimée, pour l’immobiliser, la caisse à contrôler ou à réparer. Autrefois, ce plan de référence était taillé dans un bloc de marbre. Il a conservé ce nom, bien qu’aujourd’hui constitué d’une structure en acier soudé de forte section, à la surface supérieure rectifiée. Cette structure doit pouvoir résister, sans déformation aux efforts de plusieurs tonnes, nécessaires pour ramener les tôles à leur position d’origine, en les tirant à l’aide d’un treuil, en les poussant avec un vérin ou par martelage.
L’expression « marbre automobile« , englobe, de fait, trois types de matériels différents, selon que l’on souhaite, effectuer un simple diagnostic de gravité des déformations de la caisse autoporteuse (marbre de contrôle) ou remettre dans l’alignement d’origine les points de référence définis par le constructeur (marbre de réparation).
Les marbres laser
Ce marbre est un simple dispositif optique posé sur une surface de positionnement horizontale (quelquefois un marbre de réparation), sur lequel est immobilisé le véhicule, dans une position déterminée. Un pinceau laser scanne la position dans l’espace des points référentiels. Un algorithme informatique traite ces données et les compare au plan de référence fourni par le constructeur, pour en déduire les variations. Il s’agit d’une opération ne nécessitant que peu de démontage et dont le résultat est obtenu immédiatement. Le marbre laser est parfois utilisé pour réparer des déformations de faible amplitude.
Le marbre de contrôle ou poutre de mesure
Il s’agit là, d’un équipement optionnel posé sur un marbre classique, constitué d’une poutre centrale autour de laquelle sont disposées des tiges métalliques coulissant verticalement. Placées sous les points référentiels, ces piges permettent d’en mesurer la cote verticale et le positionnement horizontal par rapport à la surface de référence. Il suffit de comparer ces relevés à la notice du constructeur pour déduire les éventuelles déformations. Ce système ne requiert généralement qu’un démontage partiel, limité aux parties endommagées ou à vérifier. Comme le marbre laser, il peut être utilisé pour la réparation de dégâts de faible importance.
Le marbre de réparation ou marbre universel
Le marbre de réparation, est la référence ultime en la matière. Il permet de servir de surface d’appui aux précédents et assure une parfaite immobilisation de la caisse à travailler, au moyen de potences métalliques solidement vissées sur sa base. L’ensemble ainsi arrimé, les parties déformées de la coque peuvent être tirés, poussée ou vrillées, jusqu’à venir en concordance des gabarits spécifiques à chaque modèle de coque ou en regard des trous disposés selon les cotes du constructeur au droit des référentiels. La bonne position de la tôle est obtenue, sans risque d’erreur, lorsque un axe rentre librement, à la fois dans le gabarit et la tôle redressée, au contact de la ferrure. Pour pouvoir être mise en œuvre, cette technique nécessite, lors de chocs très importants, la dépose de tous les équipements, accessoires et éléments mécaniques et de carrosserie. Ces démontages, puis remontages représentent une part importante du coût global de la réparation.
Efficacité du passage au marbre
Une coque ou des longerons passés au marbre disposent à nouveau d’une géométrie et d’une forme parfaitement conformes à la caisse d’origine. Cette réparation, encadrée par la loi, doit être réalisée selon les procédures homologuées par le constructeur et obligatoirement contrôlées attestée et certifiée par un expert. Aucune dérivation fonctionnelle n’est donc à craindre sur le comportement routier, sur la sécurité ou sur l’esthétique du véhicule. Les seules traces résiduelles, invisibles peuvent être des stries laissées par les pinces d’étirement sur certaines parties cachées de la caisse. Des erreurs humaines, toujours possibles, lors des remontages ou des réglages peuvent être à l’origine de déconvenues futures. À titre d’exemple, la mise en conformité des éléments de structure oblige souvent à découper des pans métalliques pour les remplacer par des neufs, solidarisés par soudage. Ces soudures emprisonnent, quelquefois des volumes pas ou peu accessibles, qu’il est difficile de traiter correctement contre la corrosion. À long terme, c’est cette corrosion qui peut poser problème. L’éventualité de ce type de situation, rarissime et sans danger, mais potentiellement existante, justifie pour le législateur, l’obligation de déclarer, lors de la revente du véhicule, un passage au marbre de réparation et la décote qui en découle.
Coût des passages au marbre
Vous l’aurez compris, il est bien difficile de donner une estimation, même approximative, du passage au marbre, tant il diffère en fonction de l’importance, parfois peu visible à l’œil nu, des dégâts. Tout au plus, pouvons-nous dégager des orientations par rapport au type de marbre utilisé.
Il faut compter :
- entre 150 et 200 € TTC, pour un contrôle des cotes du constructeur au marbre laser (sans démontage) ;
- entre 500 et 1 000 € TTC pour un passage à la poutre de mesure (le prix est proportionnel aux démontages effectués) ;
- entre 1 000 et 3 000 € (ou plus selon les déformations de la caisse), pour un passage au marbre de réparation.
Ces estimations tiennent compte de la mise en place du véhicule, de la location ou de l’amortissement du marbre et du temps nécessaire aux seules opérations de contrôle, sans présager des coûts liés au redressage et aux réparations diverses.